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Michel Houellebecq et Teilhard de Chardin

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1160720915.jpgComme c'est un roman plein de science-fiction et de visions futuristes, j’ai commencé à lire La Possibilité d’une île, de Michel Houellebecq, et je note un passage surprenant où sous couvert de son personnage celui-ci dit fondre en larmes à l’idée que Teilhard de Chardin puisse avoir des lecteurs: il éprouve, assure-t-il, une compassion réelle à leur égard, et pas du tout de la haine, du mépris, ou l’envie de se moquer. J’ai eu du mal à le croire, moi qui suis ou ai été justement été un grand lecteur de ce grand homme. Il faut dire qu’il cite Le Milieu divin, le livre le plus conventionnel du jésuite philosophe, celui où il développe simplement, à partir du dogme catholique, des vues sur l’être humain, sans rapport aucun avec les sciences.

Houellebecq compare ce noble auteur à ces savants romantiques allemands dont son cher Schopenhauer se moquait en disant qu’après avoir effectué des expériences dans leur laboratoire, ils développaient des idées sur leur Première Communion. C’est simpliste, car Goethe n’était pas dans ce cas, et même le catholique Ringseis essayait en réalité de saisir de l’intérieur les données de la science afin d’en saisir l’essence morale, selon le principe que rien n’était dénué de sens, et que la conscience morale humaine n’était pas une aberration, au sein de l’univers, mais émanait de l’univers même, en était une production au même titre que le corps. Pensée analogique préconisée déjà par Rousseau, en son temps.
 
On comprend néanmoins que Houellebecq ne la saisisse pas, car il regarde l’univers comme vide et, partant, se voit lui-même comme le seul à aspirer moralement à quelque chose, à avoir des sentiments réellement purs au fond de son âme. Mais cette aspiration est objectivement une bizarrerie, il le confesse - sans pour autant y renoncer, puisque écrire, affirme-t-il, c’est construire du sens dans le chaos régnant!
 
Il prétend qu’il est manifeste que le ciel est vide de toute divinité, et cela me rappelle l’espèce de vérité révélée de l’inexistence de Dieu à laquelle semblent adhérer spontanément, avec une sorte de foi, les écrivains parisiens dans leur majorité - ceux-là même qui évoquent Dieu en faisant fréquemment un anagramme du Vide. Pierre Jourde présentait pareillement l’absence de Dieu comme une évidence métaphysique, et il semble qu’il ne soit pas possible de réussir dans les lettres à Paris sans avoir admis ce point de départ obligé, car on n’en voit effectivement pas qui s’imposent sans l’admettre, et d’ailleurs j’ai connu un éditeur à Saint-Germain-des-Prés qui me disait qu’on ne pouvait relier pas la poésie à Jésus-Christ, que cela privait de liberté les poètes.
 
Je trouve le ton de La Possibilité d’une île assez âpre, plein d’une sourde colère contre la création, on dirait qu’il a été écrit par l’ange déchu du Paradis perdu de Milton. Le ton plus doux et burlesque de La Carte et le territoire m’a davantage plu. 
 
Les visions des temps futurs, quoique sporadiques, sont quand même intéressantes et donnent une profondeur au temps présent, figurant comme leur essence, étant comme leur symbole.

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