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La polarité mâle de l’État

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L’État, en Occident, est polarisé vers le sexe mâle. C’est pourquoi  il exerce volontiers sur les femmes une attirance spontanée; elles tendent à rechercher, comme amant, son incarnation. Il est issu du héros antique, dont il est comme l’abstraction. On attend de son chef d’être digne d’Auguste, ou de ses copies jugées conformes au sein de la tradition nationale, par exemple Napoléon. Or, si son caractère abstrait, purement juridique, était assumé pleinement, cela n’arriverait pas.

 
Du reste, si un jour c’était le cas, il ne pourrait plus être mâle de façon particulière: il faudrait qu’en plus de son aspect paternel il acquière une essence maternelle qu’en général il n’a pas. Même quand une femme le dirige, elle s’efforce, au fond, de se conduire comme un homme: elle devient l’Amazone Camille, qui aidait Énée, mais elle ne devient pas la princesse Lavinie, qu’il aimait.
 
Lorsqu’il en sera ainsi, l’État dépendra de l’amour que se portent les hommes, rassemblés sous une seule mère, et non pas simplement de la contrainte exercée par un père qui n’aime que secondairement. Mieux encore, le débat se fera moins polémique, parce que moins passionnel; il est évident, à tout œil non prévenu, que l’État occasionne des combats de coqs, que l’honneur viril de ceux Image may be NSFW.
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qui prétendent aux plus hautes fonctions, comme on dit, est davantage en jeu que les visions d’avenir et l’art de les matérialiser dans le présent.
 
Les lois sont, ainsi, faites par des hommes pour des hommes, et peut-être que cela explique la tendance naturelle des femmes à s’y soumettre plus volontairement que les hommes: ces derniers se sentent en rivalité avec ceux qui les ont créées, comme les lions mâles quand vient la saison des amours. Un État androgyne pourrait être aimé de tous, au lieu que les hommes cherchent essentiellement à le conquérir ou à rivaliser avec lui. Cela n’empêcherait le respect que chez ceux qui, saisis uniquement par le caractère de leur propre sexe, restent en quelque sorte dans un état antérieur à l’humanité pleinement moderne, un état barbare, faisant penser au bon mot de Tristan Bernard: Le chaînon manquant entre le singe et l’homme, c’est nous. Car l’homme final tend lui aussi à l’androgyne, comme dans le shivaïsme. Il réunit les qualités des deux sexes et cesse de vouer un culte à ce qui a été donné par une nature imparfaite et désunie.
 
Alors les forces du sentiment, de l’émotion, complèteront les principes purement intellectuels et abstraits, extérieures à la vie intime de l’être humain, qui dominent l’Occident. Le romantisme apparaîtra comme aussi nécessaire à l’avenir de l’humanité que le classicisme, pour ainsi dire. Et ils cesseront de s’affronter, mais trouveront à s’unir idéalement.
 
L’État ne sera pas centralisé, mais la force du centre sera compensée par le désir de liberté, le besoin de dispersion et de respiration; pour parler comme les romantiques allemands, Apollon vivra en bonne entente avec Dionysos, au lieu de le brimer, de le bâillonner. Pour autant, il n’y aura pas un renversement factice, illusoire, ressortissant au sentimentalisme: on verra enfin le dieu qui, entre Apollon et Dionysos, les unit, les tient ensemble tout en maintenant à distance leurs tendances propres, afin qu’elles ne règnent plus de façon absolue, ou ne s’affrontent en vain. Il sera l’androgyne suprême et final, et répudiera autant ceux qui rejettent les poètes que ceux qui ne veulent vivre qu’en poètes. Les antagonismes futiles, creux, propres au débat démocratique particulièrement en France, mais aussi ailleurs, apparaîtront comme artificiels et dénués de sens commun, comme ne s’appuyant sur aucune réalité.
 
Marivaux, dans une de ses pièces, disait joliment que les lois étaient masculines et donc imparfaites: leur caractère mâle ne leur faisait représenter que la moitié de l’univers, l’autre moitié étant femme, et les dieux voulant que les lois représentent le fonctionnement global du cosmos intimaient l’ordre à l’humanité de faire assumer à ses cités sa polarité féminine, et que seule la force brutale des hommes avait imposé dans les traditions une idée contraire. Il parlait d’or. La guerre des sexes, d’une certaine manière, bien plus que le désir sexuel, comme le croyait Freud, est la source de la plupart des problèmes qu’on rencontre en politique: l’impossibilité d’accorder, dans la société, les deux pôles de l’être humain, de les équilibrer.

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